Varvara, autoritaire et sûre de son pouvoir dû à son argent et à son statut d'aristocrate, soutien son ami l'intellectuel Stépan Trophimovitch Verkhovensky. Leurs fils respectifs, Nikolaï et Piotr, se fréquentent dans une relation ambiguë. Piotr fasciné par le charisme de Nikolaï, veut lui donner le rôle de leader de son groupe de nihilistes prêt à détruire le monde.
Dans ce roman de Dostoïevski, tous les personnages semblent marquer par une forme de folie plus ou moins dangereuse. Les conservateurs, qui vivent dans l'opulence, sans n'avoir jamais rien créé, les jeunes révolutionnaires qui veulent tout détruire sans définir clairement ce qu'ils veulent rebâtir ensuite.
Guy Cassiers présente une mise en scène (créée en 2021) ambitieuse jouant sur la reproduction d'une réalité et d'une illusion. Les comédiens sont filmés en live et leur image est projetée sur trois grands écrans surplombant la scène et les acteurs. Les écrans offrent un autre angle de vue que celui visible sur scène. Sur scène les comédiens ne se regardent pas, ils sont séparés. Sur les trois écrans les images recomposent un dialogue, des regards échangés, des comédiens qui se touchent. Cela demande aux comédiens de jouer avec des repères totalement différents et d'être très précis sur les positions. Et aux spectateurs de choisir entre l'écran et la scène ou de jongler entre les deux, réalisant lui même son montage. Cela ne ressemble ainsi ni à du théâtre, ni à du cinéma.
Ce processus est omniprésent sur la 1ère partie dédiée à la mise en place des personnages et plus particulièrement au règne des parents. Plus Nikolaï et Piotr prennent de l'importance dans l'histoire et plus l'utilisation des écrans diminue.
Cette mise en scène d'une grande originalité perturbe un peu la réception de la pièce, tant on cherche à voir l'exercice d'acrobates des comédiens et le rôle essentiel joué par "les hommes et femmes en noir" (membres de l'Académie). Cela fonctionne parfaitement sur certaines parties mais semble un peu gadget sur d'autres. Un léger décalage du son par rapport à l'image participe à perturber notre écoute.
L'ensemble est visuellement très beau. La verrière en fond de scène est impressionnante laissant imaginer un orchestre, des paysages. La mise en lumière, tout en clair-obscure, très réussie.
Les comédiens du Français, Dominique Blanc, Didier Sandre, le magique Christophe Montenez, Jérémy Lopez, Suliane Brahim, Clina Clavaron, Jennifer Becker... sont tous remarquables.
Cette mise en scène des Démons offre à vivre une expérience théâtrale unique.