John Malkovitch met en scène au théâtre de l'Atelier le livre de Pierre Choderlos de Laclos, les liaisons dangereuses. L'adaptation signée Christopher Hampton, à l'image du film, abandonne totalement la forme du livre, composé de correspondances, et propose un récit des plus classiques d'échanges directs entre les protagonistes.
La mise en place se fait dès l'entrée des spectateurs. Les comédiens sont en scène, s'échauffent, se concentrent, saluent les quelques connaissances présentes dans la salle. Puis, Azolan prend la parole et emande au public d'éteindre les portables et de ne pas prendre de photo. Le spectacle peut commencer. Les pleines lumières sont lancées sur la scène tandis que dans la salle la lumière est à peine tamisée.
Malkovitch créé ainsi d'entrer une complicité entre les comédiens et les spectateurs, les premiers, protagonistes et conteurs, prennent à témoin le spectateur, sans quatrième mur. Ils demeureront tous en scène tout au long de la première partie, successivement partie et juge de la machination qui se trame.
Malkovitch joue d'entrée sur l'anachronisme. Même si les mœurs décrites sont bien celles du XVIIIe siècle, les costumes mélangent jeans, tee-shirts et Habits, le mobilier sans âge n'est surtout pas d'époque, les mails remplacent les lettres écrites à la plume, les messagers sont des ipad et des téléphones portables. Malkovitch s'amuse et amuse, même si on le surprend parfois à étirer un peu trop ces scènes de décalage et astuces comiques. Il use aussi d'un accompagnement musical qui vient souligner les moments clés et d'émotion de l'histoire. Facilité assez déconcertante et curieuse comme si Malkovitch ne faisait pas suffisamment confiance en ses comédiens, assez inégaux il est vrai. Julie Moulier campe une Madame de Merteuil d'un seul tenant : cynique et autoritaire. Elle prive ce personnage, au caractère complexe, de toute réelle émotion. Elle gagnerait aussi à articuler un peu plus. Yannick Landrein, Valmont, rôle écrasant, est, abstraction faite de son jeune âge, très bon. Lazare Herson Macarel, dans le rôle d'Azelon, sorte de Zébulon fantasque, a sans conteste du métier. Il est parfait. Pauline Moulène, Madame de Volanges, Rosa Bursztejn, Cécile de Volanges très drôle, Lola Naymark dans le rôle d'une Emilie très dénudée, sont parfaites. Sophie Barjac, doyenne de la troupe, assure le job dans le rôle assez ingrat et quasi-muet de Rosemonde. Jina Djemba, la présidente de Tourvel, m'a semblé assez inégale. Parfois très juste, d'autres comme "à côté". Quant à Mabo Kouyaté, il force un peu trop le trait sur la naïveté de Danceny et perd en justesse. Mais si le talent est génétiquement transmissible, et au souvenir de Sotigui Kouyaté dans « London River », on ne doute pas de son potentiel de progression.
Malgré ces réserves, la première partie de 2h00 s'écoule sans déplaisir et surtout sans ennuie. Entracte.
A la reprise, la salle est plongée dans le noir. Procédé qui pour le coup, en réponse à l'éclairage du départ, semble affreusement artificiel. Mais pourquoi pas, on a bien compris : on n'est plus là pour rigoler. Le problème c'est que Malkovitch se lâche. Tous les partis pris de mise en scène qui était un peu limite en première partie sont ici exacerbés. Malkovitch se fait plaisir et rate totalement sa seconde partie ; 45 minutes bouffonnes, étirées en longueur où tout est surligné, souligné, montré du doigt avec une absence totale de finesse. Le combat à l'épée entre Valmont et Danceny, interminable et outré, ainsi que la scène finale n'échappent pas au ridicule qui parait -il ne tue pas. Valmont, pourtant, ne se relève pas.