SansCrierArt: Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.
Il y a 2 ans à peine, Emma et Jerry mettaient fin à leur liaison adultère. Alors qu'ils se retrouvent, Emma apprend à Jerry, qu'elle vient d'avouer à Robert, son mari, qu'elle l'a trompé avec Jerry, son meilleur ami, pendant 7 ans. Mais, le lendemain, Robert affirme à Jerry qu'Emma le lui a dit il y a 4 ans.
Tout dans cette adaptation de la pièce d' Harold Pinter sonne juste. Les comédiens en premier lieu. Swann Arlaud, si impressionnant au cinéma s'avère tout autant marquant sur scène. Très élégant, son jeu d'une grande sobriété impose, dès son entrée en scène, son personnage. A ses côtés, Marc Arnaud, tout en tension retenue, et Marie Kaufmann, énigmatique et fragile, sont épatants.
La mise en scène de Tatiana Vialle chorégraphie précisément les déplacements et la présence des comédiens, appuyant l'humeur et l'ambiguïté du moment. La scène presque nue, habillée de 2-3 chaises et de paravents de néons, comme pour montrer tout ce qu'il faut cacher, gagne en profondeur par des projections vidéos qui plantent le décor. La musique lancinante qui revient en boucle pendant toute la pièce est également excellente.
Enfin, la mise à nu, progressive par flash back, de cet énigmatique trio, signée Pinter, fonctionne encore parfaitement.
Ahmed Sylla est un excellent comédien et un humoriste plutôt créatif. La première 1/2 heure d´Origami est consacrée aux calamités des 5 ans qui se sont écoulés depuis son dernier spectacle. Le Covid, les puces de lit, le décès d´Elisabeth II, l'apparition de l´expression Quoicoubeh... cela en un quinquennat soit 1 Macron. Macron sur lequel Ahmed Sylla se penche aussi.
C´est drôle, plutôt bien vu et surtout très bien joué. Ce sont d´ailleurs les qualités de comédien de Sylla, sa capacité à déformer les traits de son visage, à modifier sa voix qui séduisent d´emblèe. Et ce sont elles qui rattrapent les quelques moments où l´humour cède la place au 1er degrés. Car dans sa deuxième partie, Ahmed Sylla se dévoile sur des sujets plus graves - racisme, islamophobie, masculinité et féminité, feminicide... Le comédien affiche une bienveillance évidente et exprime son droit à l´empathie. Cela n' élimine pas les moments hilarants dont le récit du film Titanic, par un Ch´ti, un homme, un vrai, et l'éloge des papouilles par une copine qui multiplie les digressions. Ahmed Sylla est aussi très bon sur ses interactions avec le public.
Seul regret, le choix de très grandes salles pour un spectacle qui sur le fond et la forme mériterait plus d'intimité.
Helen vit seule à la campagne. Quand Simon Gilbert frappe à la porte, elle sait qu'il vient pour le poste d'"homme à tout faire". Très vite elle lui demande de la tuer, sans douleur et sans la prévenir.
Sophie Tonneau qui est aussi l'auteur de la pièce, interprète le rôle d'Helen, entre envie d'en finir et rage de vivre. L'ampleur de son expressivité dans la terreur d'Helen d''être tuée et dans le plaisir enfantin que l'héroïne prend dans le jeu fonctionne particulièrement. Yves Comeliau campe avec charme l'assurance et les hésitations de Simon. Ils sont tous les deux très bien et portent ensemble le rire.
La mise en scène ménage quelques effets et des moments de danse et de musique qui fonctionnent bien.
La pièce offre d'excellents moments et de belles idées. On rit et on est touché. Elle mériterait sans doute d'être étoffée, de 2 ou 3 scènes qui donneraient à voir plus précisément l'évolution de la relation de ses deux héros. Il faut également noter que la pièce présente une qualité rare : celle d'avoir une fin signifiante et efficace.
Louis est de retour dans sa famille. Après plusieurs années d'absence, il revient annoncer à sa mère, sa soeur, son frère et sa belle sœur qu'il va bientôt mourir.
Pour les 30 ans de la disparition de l'auteur, le théâtre de l'Atelier présente Il ne m'est jamais rien arrivé et Juste la fin du monde. Cette dernière est mise en scène par Johanny Bert qui suspend dans les cintres, à la vue des spectateurs, le mobilier de la maison familiale. Chaque élément descendra pour se positionner aux côtés des acteurs au fur et à mesure des scènes. Ce principe de mise en scène fonctionne curieusement assez bien, soulignant visuellement l'étrangeté des échanges. Le choix de représenter le père disparu par un masque d'homme semblant flotter entre les scènes s'avère bien moins efficace, à la limite du ridicule.
Pour incarner les membres de cette famille dysfonctionnelle, menée par les non-dits et les ressentiments, cinq comédiens. Vincent Dedienne, dans le rôle du taiseux Louis, joue le personnage avec distance, soulignant une posture en retrait. Son talent s'exprime plus pleinement dans ses longs apartés au public. A ses côtés, dans le rôle de la petite soeur admirative et survoltée, on retrouve avec joie Céleste Brunnquell. Astrid Bayiha, Christiane Millet et Loïc Riewer, particulièrement marquant dans le rôle du frère, composent le reste de la famille.
* Lire la critique de l'adaptation cinématographique réalisée par Xavier Dolan
Été 1898, Dolly Gallagher, veuve et marieuse, se rend à Yonkers pour rencontrer et séduire le richissime Horace Vandergelder. Mais Horace a en tête d'épouser Irène Molloy.
Comédie musicale créée en 1964, Hello Dolly ! un des grands succès de Broadway fête ses 60 ans. Si l'intrigue n'a rien d'originale (la comédie musicale s'inspirerait d'une pièce anglaise datant de 1835), le récit est construit avec habilité et un humour d'une grande efficacité servi ici il est vrai par d'excellents interprètes.
Sur la scène du Lido, qui dans sa nouvelle configuration offre un remarquable écrin pour les artistes comme pour les spectateurs, dans une mise en scène de Stephen Mear, évoluent une vingtaine de danseurs-chanteurs. La scénographie est faite d'un habile décor de fond de scène et de quelques accessoires qui s'escamotent facilement pour laisser toute la place aux numéros de danse. Les costumes sont également très beaux. L'énergie et l'élégance des chorégraphies avec plusieurs numéros de bravoure exécutés à plus d'une dizaine de danseurs, la qualité des mélodies et de leur orchestration, la musique jouée live, la puissance des chanteurs dans la maîtrise de leur chant et de leur jeu, tout jusqu'aux plus petits détails participe à la réussite de ce spectacle. Caroline O'Connor, dans le rôle de Dolly, est excellente de séduction et de malice.
Hello Dolly est sans doute le spectacle le plus revigorant du moment, pour preuve l'ovation faite par les spectateurs lors des saluts.