Dans la Russie stalinienne, en 1930, Sémione, chômeur et pas très malin, vit dans un appartement communautaire aux crochets de sa femme et de sa belle-mère. Il voudrait gagner sa vie comme musicien mais il ne sait pas jouer d'instrument. Lorsqu'un quiproquo laisse à penser qu'il est suicidaire, autour de lui, beaucoup trouvent leur compte dans ce suicide.
Erdman n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer la société russe stalinienne ; sa pièce fut d'ailleurs rapidement interdite. Tout le monde en prend pour son grade. Il pointe du doigt, entre autres, le régime qui affame son peuple et le manque de courage de l'intelligentsia qui préfère pousser le prolétaire au suicide revendicatif, car "seuls les morts peuvent dire ce que les vivants pensent".
Stéphane Varupenne présente une mise en scène qui souligne l'agitation des protagonistes dans un espace restreint. L'idée d'enfermement domine. Sur scène, le décor est, dans la première partie, centré sur la chambre à coucher. Elle est entourée de hauts murs, cage d'escaliers et de rideaux qui figurent la promiscuité des habitations communautaires. Promiscuité soulignée un peu plus par un travail sur le son, les voisins sont ainsi omniprésents. Le décor se transforme ensuite en vaste salle des fêtes pour le dîner d'adieu de Semione, puis disparaît totalement pour une curieuse mise en bière. Parallèlement, petit à petit, les comédiens investissent la salle, des musiciens interviennent, on chante. La mise en scène de Stéphane Vanrupenne s'étend et prend des formes multiples qui servent parfaitement le désarroi de Semione, qui agité, passe par tous les états.
L'intérêt de la pièce réside dans l'alliance d'un message politique et existentiel fort et d'une réelle puissance comique. Les répliques hilarantes sont foison, le comique de situation percutant. Le jeu des comédiens du Français (Jérémy Lopez, Serge Bagdassarian, Julie Sicard, Adeline d'Hermy, Florence Viala, Clément Hervieu Léger, Yoann Gasiorowski, Sylvia Berger, Christian Gonon, Anna Cervinka, Clément Bresson, Adrien Simion, Léa Lopez, Melchior Butin des Rozier) a cette précision indispensable au vaudeville où le rire prend toute sa plénitude dans les détails, un geste, un mouvement de tête, un sourcil levé. La troupe est, ici encore, absolument remarquable.