SansCrierArt: Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.
Le MAM de Paris présente une très belle rétrospective de l'oeuvre de la peintre norvégienne Anna-Eva Bergman. Près de 200 oeuvres, dessins et peintures, sont exposés chronologiquement.
Anna-Eva Bergman fait partie de ses artistes femmes dont le talent fut longtemps caché par celui de leur conjoint. Pour Anna-Eva ce fut le peintre Hans Hartung auquel le MAM consacra également une belle rétrospective en 2019.
Les premières œuvres de Bergman, dont de nombreux dessins moqueurs faits pour la presse, sont figuratives, avant que l'abstraction prenne sa place. Les styles sont variés et les inspirations nombreuses facilement reconnaissables (Dix, Miro, Klee, Picasso, Munch, Delaunay...). Petit à petit, son intérêt pour le nombre d'or et l'utilisation de feuilles d'or, de métal, de cuivre et d'aluminium, font naître son style propre. Ses motifs récurrents, la mer, la montagne, les pierres, les planètes, sont magnifiés par des effets de lumière et de relief qu'elle compose avec ces matériaux. Ainsi, elle semble réunir sa fascination pour la nature, les forces cosmiques et telluriques et une approche sacré de l'art.
Dans le cadre de la rétrospective consacrée à l'œuvre d'Anna-Eva Bergman au Musée d'Art Moderne, la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker présente sa nouvelle création 5Aron.
La danseuse Marie Goudot, accompagnée au piano par Alain Franco, investit le 6e étage du musée en 5 tableaux dans lesquels de Keersmaeker questionne : comment incarner l'abstraction. C'est beau et hypnotique.
A ne pas manquer du vendredi 31 mars au dimanche 2 avril de 14h à 17h30.
Sabine Weiss fait partie de ces grands photographes - dont Ronis, Cartier Bresson, Doisneau - qui ont documenté la vie de l'après guerre.
Au plus près des gens, c'est une photographe humaniste à laquelle ce très beau reportage rend hommage. Une photographe qui considère son travail comme un témoignage et non comme une œuvre d'art. On l'écoute dans ces derniers jours, triant de vieux clichés qu'elle trouve mauvais, se raconter : l'acquisition de son premier appareil photo en 1935, son travail avec les plus grand à l'agence Rapho, les travaux de commande et les photographies qu'elle fait pour elle et qui font la puissance de son oeuvre.
Les témoignages de sa fille Marion, de celle de Doisneau, de Laure Augustins son assistante qui a en charge la valorisation du fonds photographique et de Camille Ménager qui n'a pu finir sa conversation avec la photographe, nous éclairent encore un peu plus sur sa personnalité.
Le Centre Pompidou consacre une vaste exposition à la sculptrice française Germaine Richier. De ses premiers bustes dans les années 20, au style influencé par Rodin et Bourdelle, jusqu´à l´Echiquier colorié réalisé l´année de sa mort en 1959, l´exposition présente la diversité de son oeuvre et ce qui a influencé son travail. Bustes réalisés d´après modèle vivant, de plus en plus déformés après guerre, créature mi-homme mi-animal, sculptures utilisant des éléments trouvés dans la nature (branches ou pierres), créations de monstres semblant sortis de contes et légendes, Christ en croix, utilisation de la cire, d´os de seiche, de filasse, association du plomb et du verre... l´exposition révèle l´étendu de ses recherches et l´importance du monde animal et de la nature dans son imaginaire.
La scénographie aérée valorise chaque œuvre, quelque soit sa dimension. Sous verre, sur socle, suspendue, chacune est mise en majesté. Des dessins et esquisses de travail et des objets issus de son atelier sont également présentés.
A ne pas manquer au Centre Pompidou jusqu´au 12 juin 2023.
Le Centre Pompidou rassemble une cinquantaine d´œuvres du peintre indien S.H. Raza (1922 - 2016). Figure majeure de l´art moderne indien, Raza a étudié l´art à Bombay, a fondé le Progressive Artists'Group avec M.F. Husain, F.N. Souza, S.K. Bakre, K.H. Ara et H.A. Gade avant de s´installer à Paris et de voyager en Italie.
L´accrochage chronologique présente parfaitement l´évolution du travail du peintre, aux multiples influences issues de ses rencontres et de ses voyages, sans que jamais l´esprit de l´Inde ne s´absente totalement avant de reprendre toute la place à partir des années 70.
Depuis 2 ans de façon épistolaire, Thierry Lhermitte interprète une adaptation du livre de Simon Wiesenthal dans lequel l'auteur se remémore ce jour de 1942 où un soldat SS mourant lui a demandé un pardon qu'il n'a pas pu lui donner. Wiesenthal s'interroge, regrette, culpabilise. Aurait-il dû accorder son pardon ?
L'histoire de Simon Wiesenthal est importante, et son questionnement passionnant a interpellé de nombreux intellectuels qui ont tenté d'y apporter une réponse. Sur scène, Thierry Lhermitte interprète Simon Wiesenthal, les gens qu'il a croisé, le soldat SS. Les réponses de Simone Veil, du philosophe Olivier Abel, de l'écrivain Roger Ikor, d'un militaire américain... sont intercalées, dans le récit, en voix off illustrées par des vidéos particulièrement laides sans aucun intérêt narratif ou esthétique. Ainsi, c'est dans sa mise en scène que cette adaptation théâtrale pêche. En plus de ces vidéos, Steve Suissa, le metteur en scène, a ajouté en fond de scène un rideau noir qui s'écarte régulièrement figurant une porte qui s'ouvre sur une lumière bleue ou rouge ou autre. Une musique s'immisce, de temps en temps, se superposant à la voix de Thierry Lhermitte. Ces artifices grossiers desservent le propos de Simon Wiesenthal et l'interprétation de Thierry Lhermitte.
La vaste question du pardon que soulève Simon Wiesenthal méritait un écrin d'une bien plus grande délicatesse.
Denis Imbert adapte le livre éponyme de Sylvain Tesson. En 2014, l'écrivain - aventurier chute de 8 mètres. Après de longs mois passés à l'hôpital, et pas vraiment remis, il se lance le défi de traverser à pieds la France par la diagonale du vide.
Jean Dujardin endosse le rôle de Sylvain Tesson, écrivain, ours mal léché, un peu réac, épris de SA liberté, coincé dans un corps qui a perdu de son exceptionnelle agilité.
Le défi à relever était d'insuffler de la convivialité dans ce chemin de croix. Pour cela, Imbert, dans les parties du voyage les plus solitaires, propose un montage alternant des tranches de vie de Tesson avant l'accident et des scènes de marche au présent. Puis, alternent 3-4 rencontres sur le chemin, une halte dans un monastère, la visite de la soeur puis l'ami de toujours qui le rejoignent pour un bout de route. On ne s'ennuie pas mais assez vite, vient l'impression que le film n'est qu'une succession de scènes. Tout semble survolé jusqu'aux paysages que finalement on voit peu en majesté.
En voix off, Jean Dujardin nous dit du Sylvain Tesson. Certaines formules, très écrites (forcément) sonnent un peu trop sentencieuses. Les comédiens (Annie Duperey, Joséphine Japy, Jonathan Zacai, Izia Higelin, Dylan Robert) sont très bien dans des incarnations éclairs. Jean Dujardin, dans un rôle casse gueule, sans mauvais jeu de mots, offre une belle prestation.
Mais l'ensemble aurait mérité une écriture et une réalisation plus audacieuses. Nous revient alors en tête le superbe Into the Wild de Sean Penn.
A Paris, dans les années 30, Madeleine, comédienne débutante, raconte à sa colocataire, Pauline, toute jeune avocate, qu'elle vient d'échapper aux assauts d'un vicieux producteur. C'est alors qu'un policier vient l'interroger sur l'assassinat de celui-ci.
François Ozon adapte la pièce de Louis Verneuil et George Berr jouait par Edwidge Feuillère en 1934, et la transpose dans le milieu du cinéma. Cette astucieuse histoire de deux jeunes femmes belles, intelligentes et audacieuses qui, dans une société patriarcale, transforment une faiblesse en force, fait écho au mouvement #metoo. Le réalisateur y glisse quelques messages bien sentie sur les rapports hommes-femmes, mais le film est avant tout un divertissement rondement mené. L' ensemble est enlevé et très drôle jusqu'à la distribution des rôles. Luchini campe un juge d'instruction aux faux airs de Louis Jouvet, Isabelle Huppert est hilarante, en star déclinante du muet, Dany Boon surprend en homme d'affaires marseillais. S'ajoutent André Dussollier, Olivier Broche, Michel Fau, Félix Lefebvre, Myriam Boyer, Daniel Prévost, Evelyne Buyle, Édouard Sulpice... tous très bons. Quant aux deux héroïnes, elles sont excellemment interprétées par Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz.
Ozon, qui a pris l'habitude d'adapter des pièces au cinéma (8 femmes, Potiche...) ne tombe pas dans le travers du théâtre filmé. Même si la majorité des scènes se jouent en intérieur, sa réalisation est alerte et précise, servant parfaitement le burlesque des situations.
Le 17 décembre 2012, Maureen Keaner, professeur d'anglais chez Areva et syndicaliste à la CFDT, est agressée à son domicile. Depuis plusieurs mois, elle enquête sur un projet de contrat entre Areva, EDF et la Chine qui mettrait en danger 50 000 salariés d'Areva et le savoir-faire nucléaire français (ce qui finit d'ailleurs par arriver).
Jean-Paul Salomé reconstitue tout le contexte précédent l'agression et l'enquête sur l'agression. Par soucis d'égalité envers Maureen Keaner, tous les noms des protagonistes de cette affaire politico-judiciaire ont été conservés. On imagine le temps passé par les avocats pour verrouiller le scénario et éviter de potentielles poursuites. Car l'affaire est édifiante.
Mais ce qui interpelle dans cette histoire vraie, c'est qu'elle ait pu passer inaperçue dans les médias et auprès de l'opinion publique. Ce qui intrigue c'est la relation de proximité entretenue par Maureen Keaner avec Anne Lauvergeon, la facilité d'accès de la syndicaliste auprès des grands patrons d'Areva, sa notoriété auprès des politiques. Ce qui fascine, c'est cette personnalité particulière de Mauren Keaner, qui provoque à la fois admiration et inquiétude. Isabelle Huppert joue parfaitement cette ambiguïté, passant en une seconde de la victime à la manipulatrice, semant le doute sans que jamais il ne s'impose tout à fait. Elle est magistrale.
Géraldine Martineau, pensionnaire de la Comédie Française, met en scène la pièce du dramaturge Norvégien Henrik Ibsen. Elle y interprète également avec force le personnage principal d'Ellida mariée à un homme bon, plus âgé, déjà père de deux jeunes filles, le docteur Wangel. Sa vie pourrait être paisible si un mal étrange ne la rongeait, la ramenant sans cesse vers la mer.
Cette pièce entre réalisme féministe et onirisme, semble, si l'on se base sur le peu de fois où elle fut montée en France, extrêmement complexe à mettre en scène. La proposition ici ne convainc pas tout à fait sans que l'on sache très bien si cela est dû à la pièce elle même ou aux partis pris ici.
Géraldine Martineau relève la gageure de faire cohabiter maison, fjords, mer, marécages et montagnes dans une scénographie efficace de Salma Bordés et une très belle mise en lumière de Laurence Magnée.
Les jeunes comédiens du Français, Elisa Erika, Léa Lopez et Adrien Simion sont parfaits. Alain Lenglet dans un rôle décalé et Clément Bresson font le job. Géraldine Martineau est incandescente dans le rôle d'Ellida. Tandis que Laurent Stocker déçoit, ce soir en tout cas. Son interprétation très détachée l'est trop, alors que le personnage s'inquiète de voir s'éloigner sa bien aimée au point de convoquer son ami Arnholm interprété par le très bon Benjamin Lavernhe.
A plusieurs reprises, sur de courts échanges, les acteurs ne jouent pas tout à fait dans le même rythme. Ils ne semblent pas bien calés. Cela se joue à peu mais les comédiens de la CF nous ont habitué à une plus grande précision. Est-ce dû au peu de répétitions accordées à la pièce qui est considérée comme une reprise (elle était prête à être jouée avant que le confinement ne vienne tout arrêter, depuis 5 des 8 acteurs ont changé) ? Aussi, les scènes du couple Ellida - Wangel sont très répétitives et on lit mal les sentiments qu'Ellida porte à son ancien amour trahi. Est-ce dû à la traduction ?
Il y a beaucoup de belles choses dans cette proposition de Géraldine Martineau mais il manque un "je ne sais quoi" pour que l'ensemble nous emporte totalement.
En 1952, Sam, 6 ans, va au cinéma pour la première fois. La scène de déraillement du train dans Sous le plus grand chapiteau du monde de Cécile B. DeMille va le traumatiser et changer sa vie.
Steven Spielberg raconte ici son enfance, son adolescence, sa vie avec ses sœurs, ses parents, la naissance de sa vocation et de sa passion du cinéma. Chaque étape de son apprentissage, chaque scène parle du cinéma, de ses effets, de ses pouvoirs, de sa capacité à montrer ce qui ne se perçoit pas au quotidien, à transformer le réel pour l´embellir, pour manipuler, pour se faire aimer et donne aussi les pistes des inspirations du cinéaste.
Le casting est parfait. Michelle Williams et Paul Dano sont magnifiques dans le rôle des parents du réalisateur. La comédienne est impressionnante dans sa capacité à exprimer la complexité de son personnage de femme aimée, entre folle gaieté et désespoir, mère et épouse comblée mais artiste et amoureuse frustrée. Elle est au cœur et le cœur du film.
En deux scènes magnifiques, Judd Hirsch, marque également le film. Son personnage du vieil oncle saltimbanque, incarne ce que l´Art demande de sacrifices.
Spielberg montre ici encore son savoir-faire dans la direction des enfants acteurs. De leur plus jeune âge jusqu´à l´adolescence, ils sont tous d´une vérité confondante. Gabriel LaBelle dans le rôle de Spielberg adolescent est parfait. Il nous séduit d´emblèe et devient le héros qu´on ne voudra plus quitter. Mais c´est aussi le cas de toute cette famille dont Spielberg raconte si bien l´histoire avec beaucoup d´émotion mais aussi beaucoup d´humour. Sa belle réalisation, digne du grand cinéaste qu´il est, s´habille ici d´un regard d´une tendresse et d´une nostalgie qui gagne le spectateur. On voudrait que le film dure au-delà de ces 2h30 pour suivre encore le destin de la famille Fabelman/Spielberg, de Mitzy et Burt, de Sam/Steven et de ses sœurs.
On mesure un peu plus le génie de Spielberg, qui sait rendre aussi universellement captivante une histoire si personnelle.
Franck et Meriem vivent dans une caravane avec leur cinq enfants. Quand ils rencontrent Franck et Anna, un couple d'avocats qui ne parviennent pas à avoir d'enfant, ils leur proposent d'adopter leur bébé à venir, le 6e.
Cette histoire qui conte la détresse de deux couples, l'un endetté et pauvre au point de ne pouvoir assumer l'arrivée d'un nouveau bébé et l'autre déchiré par un manque d'enfant, au scénario sans surprise, repose essentiellement sur la qualité de son casting. Sara Giraudeau, Judith Chemla, Damien Bonnard et Benjamin Laverne sont tous les quatre excellents.
15 artistes investissent l´ensemble des espaces de la Bourse du Commerce sur le thème de l´impact de l´humain sur la nature, des mutations de celle-ci et de l´Humanité. Avant l´orage rassemble des Installations, vidéos et peintures toutes issues de la collection Pinault.
La Rotonde est investie par Danh Vo qui présente Tropeaolum, jardin étrange fait de troncs de chênes foudroyés issus des forêts françaises, de photos et de statues anciennes. Le passage et ses vitrines sont dédiés aux œuvres d´Edith Dekyndt, tandis qu´on retrouve dans les galeries et au sous-sol, Dominique Gonzalez Foerster, Benoît Pieron, Félix Gonzalez Torres, Diane Thater, Tacita Dean, Hicham Berrada, Robert Gober, Lucas Arruda, Pierre Huygue, Thu Van Tran, Alina Szapocznikow, Cy Twombly, Daniel Steegman Mangrane, Anicka Yi, Dinoeo Seshee Bopape, Jonathan de Andrade.
Dans cette nouvelle exposition dont on pourra juger les oeuvres moins accessibles que dans les propositions précédentes, on retiendra Foreign Policy, tableau réalisé à la craie par Tacita Dean, les installations vidéos de Diana Thater (Chernobyl), d´Hicham Berada (Presage) et Dieno Seshee Bopape (lerato lake le a phela) et les cocons d´algues d´Anicka Yi.
Aissa, 23 ans, meurt lors d'un bizutage à la prestigieuse école militaire Saint-Cyr. Sa famille se confronte à l'armée pour que les honneurs lui soit rendus.
Tout en contant le réel combat qu'il a mené face à la grande muette, Rachid Hami raconte l'histoire de son petit frère Jallal et de sa famille : l'enfance algérienne pendant la guerre civile, le père absent, une mère forte et aimante, les deux frères que tout oppose, les derniers moments passés ensemble à Taipei.
Pour interpréter ces moments forts de sa vie, il a fait appel à Karim Leklou, Lubna Azabal, Samir Guesmi, Laurent Lafitte et Shain Boumedine tous parfaits, entre retenue et intensité.
Françoise Gillard créé et met en scène cet hommage à l'un de nos plus grands chanteurs conteurs de notre temps qui fête ses 50 ans de chansons. Elle est accompagnée sur scène par cinq comédiennes, représentant plusieurs générations - Danielle Lebrun, Coraly Zahonero, Claire de la Rue du Can, Yasmine Haller et Emma Laristan - et par trois musiciens - Yannick Deborne, guitariste, Mathieu Serradell aux claviers, Florence Hennequin au violoncelle.
Dans un décor cosy de salon-cuisine, les 6 comédiennes dessinent le portrait du chanteur, entre anecdotes, extraits d'interview et chansons aux textes éloquents. Le ton est à la soirée au coin du feu, une discussion entre filles (à la vanille). Elles chantent seules (mention spéciale pour Yasmine Haller) ou ensemble très joliment, s'appropriant Les chansons dont les orchestrations donnent à entendre particulièrement les textes. La proposition est ainsi fort agréable, au point que sa courte durée (1 heure) frustre un peu.
Tous les lundis et mercredis soirs, Édouard Baer investit la scène du théâtre de la Porte Saint-Martin dans les décors très 80's de la pièce qu'interprète Chantal Ladesou les autres soirs.
C'est donc dans un écrin très kitch, qui sied parfaitement à son grain de folie, que le comédien-auteur-metteur en scène convie une ribambelle d'artistes aux talents divers et majoritairement loufoques. Le casting changeant semble t-il tous les soirs, ce mercredi 9 février, ce sont plusieurs comédiens dans des rôles comiques dont Atmen Kelif en Fernandel, Alka Balbir en compagne jalouse, une Miss météo marine, l'unique acteur de la troupe Chienne de vie, un chanteur à textes déprimé, un rocker en peine avec la technique, l'incontournable Mister Pat... mais aussi une vraie chorale, de vrais danseurs dont Sofiane Chalal, le guitariste Tito el Fances, le pianiste (de Barbara) Gérard Daguerre, le costumier Michel Dussarat, le tampographe Vincent Sardon...
Édouard Baer est parfait en Monsieur Loyal servant parfaitement ces artistes qu'il présente et accompagne parfois. Il est en grande forme et donne de sa personne, parodiant de façon hilarante le jeux des comédiens de vaudeville, chantant avec sincérité, se lançant dans des digressions dont lui seul a le secret, interrogeant le public...
Édouard Baer équipé de son humour pince sans rire et de sa réelle curiosité pour les autres nous propose 1h45 d'un spectacle inclassable absolument réjouissant.
Du 13 au 18 novembre 2015, les recherches de l'Anti-Terrorisme dans la traque des responsables des attentats.
Avant même le visionnage du film, une question se pose : quel est l'intérêt de mettre en images un évènement qui a déjà été énormément documenté ? On s'en remet alors à la créativité du réalisateur et des scénaristes.
A l'issue du visionnage, la question se pose toujours.
Denis Lavant, avant tout, c'est ce jeune type, qui danse, saute et court à toute allure le long d'un mur au son de Modern Love de David Bowie. Scène culte de Mauvais Sang de Leos Carax, son réalisateur fétiche qui l'aura fait tourner également dans Boy meets girl, puis dans le très grand Les Amants du Pont Neuf et dans le génialissime Holy Motors.
Si on a l'impression de l'avoir vu dans de nombreux films (ce qui n'est pas vraiment le cas), c'est que son visage étrange d´enfant vieilli prématurément et son regard de Pierrot La Lune, extrêmement touchants, associés à la puissance de son jeu et de sa présence, nous ont marqué chaque fois durablement. Et s'il fait du cinéma, il vous dira que son grand terrain de jeu est avant tout le théâtre.
Denis Lavant, amoureux de la poésie, circassien autodidacte, a appris le mime et le théâtre au lycée, à l´école de la rue Blanche puis au Conservatoire de Paris. Cet acteur physique, dont la première nature est le mouvement, s'inscrit dans un théâtre exigeant : Shakespeare, Beckett, Brecht, Tomas Bernard, Koltes, Rasov, Dostoïevski...
Actuellement, au théâtre de l'Atelier, il est bluffant dans le rôle de Clov dans Fin de Partie de Beckett. Les représentations sont prolongées jusqu´au 16 avril. A ne pas manquer.
Ce film surprend là où on ne l'attendait pas : sa notation déplorable par les spectateurs sur le site AlloCiné. Les comédies françaises les plus pathétiques n'y sont pas aussi mal traitées.
Le film subit sans doute le contre coup d'une attente de 10 ans depuis la dernière adaptation ciné d'une aventure d'Astérix (Astérix au service de sa Majesté de Laurent Triard en 2012) amplifiée par le matraquage publicitaire dont bénéficie (ou pas) le film de Canet. Il souffre également de la comparaison avec le très réussi, culte et jamais égalé Astérix et Obélix, mission Cléopâtre d'Alain Chabat. Enfin, l'attachement des français à ces deux héros qui font partie du patrimoine et de l'enfance de nombreux d'entre eux ne favorise pas l'indulgence.
Car, L'empire du milieu qui affiche bien des défauts, est loin d'être la nullité que semble dénoncer la majorité des spectateurs (qui se sont prononcés). Si le scénario original (le film ne se base pas sur une des histoires d'Uderzo et Goscinny) semble inutilement complexe, le narrateur (Gérard Darmon qui succède au grand Pierre Tchernia) le dénonce avec ironie et autodérision à 2 ou 3 reprises. Si le casting XXL envahi par une pléiade de vedettes semble inutile (si ce n'est peut-être dans l'idée des producteurs de faire venir dans les salles les fans de chacune des "stars" présentes) et n'apporte rien artistiquement parlant, il n'enlève rien non plus au bon déroulement du film. Les vrais comédiens sont bons dont Vincent Cassel, Marion Cotillard, Ramzy Bedia, Pierre Richard, Philippe Katerine, Jérôme Commandeur, José Garcia, Audrey Lamy, Jonathan Cohen. Gilles Lelouch est surprenant dans le rôle d'Obelix, lui apportant la poésie et la part d'enfance qui caractérise le personnage. Si on peine un peu à oublier Guillaume Canet, derrière Astérix, rôle qui a toujours été plus casse gueule, son interpretation est efficace.
Il est vrai que certains gags et jeux de mots faciles n'agissent pas. Tout comme il est vrai que l'on sourit souvent (quand on a l'âge du réalisateur...) à des références anciennes. La reprise d'une scène culte de La Chèvre avec Pierre Richard dans son propre rôle et Gilles Lelouch dans celui de Depardieu, lui-même Obélix de référence, risque de ne pas faire rire les moins de 40 ans. Tout comme le "Tchi Tcha" de Darmon après l'évocation de "Suez, comme le canal".
On est un peu déçu par la réalisation qui manque de précision, chose indispensable pour servir comme il faut le rire. Le montage ne favorise pas la lecture des séquences. La photographie déçoit aussi alternant entre esthétique du film d'aventure et celle de la bande dessinée, l'image semble parfois pâtir des effets spéciaux. On ne perçoit pas non plus une signature stylistique.
Malgré ces défauts, l'heure et 50 minutes de film se déroule sans ennui, rythmée par une ribambelle d'idées et détournements plus ou moins efficaces. Le film ne mérite pas d'être ainsi assassiné.
Lydia Tar est une chef d'orchestre respectée et reconnue à la tête d'un orchestre symphonique Berlinois. Entourée de gens dévoués, sa femme (Nina Hoss, très juste), son assistante (Noémie Merlant, parfaite) et de personnes envieuse, des chefs qui lui piquent ses recettes ou s'accrochent à leur place, Lydia trace sa route avec l'autorité que lui confère et lui impose son statut.
Dans ce personnage de femme ambiguë, à la fois, artiste d'exception qui vise l'excellence en tout, manager exigeante quite à blesser jusqu'à détruire, prise dans le courant de la cancelled culture, Cate Blanchett est impériale. Dès la première scène, sa voix grave, son ton assuré, son regard tranchant posent le personnage. Pendant 2h38, elle ne quitte pas l'écran et nous emporte dans sa chute mais également dans la description de son art. Si les dialogues nous mènent parfois dans un jargon technique, ils ne nous perdent jamais et fascinent, au contraire, tant on perçoit ce qui guide un chef d'orchestre dans son interprétation des œuvres, dans sa perception des sons. En ça, le film est aussi passionnant.
Pour ce qui est de la chute de l'icône, l'ambiguïté des relations de Lydia aux femmes, son parti pris qui sépare l'Homme de son œuvre, ses arbitrages dans la gestion de son orchestre, son sentiment d'invincibilité pourrait nous ramener à l'image de certains hommes pris dans le mouvement #metoo. Sauf que Lydia, même prise dans le tourbillon et l'aveuglement de sa réussite, semble posséder une conscience. Est-ce cette conscience qui se manifeste par des interférences sonores : un métronome qui s'anime seul dans la nuit alors qu'elle s'apprête à atteindre son Graal (l'enregistrement de toutes les symphonies de Malher) mais aussi la cinquantaine, un cri de femme dans la forêt alors qu'une autre est en train de se suicider, le bip d'une machine médicale tandis que la mort s'approche d'une vieille dame...
La mise en scène de Todd Field est aussi remarquable. Plaçant en avant les longues mains de Cate Blanchett qui disent autant que les dialogues, suggérant les drames plus qu'il ne les montre, informant sur l'évolution de la vie de l'artiste par les décors précis de ses habitations, hôtels et voitures, il donnent dans chaque image une multitudes d'informations qui participent à la richesse des interprétations que le spectateur peut se faire du film et de son héroïne.
La mairie de Paris expose 70 artistes représentant 60 ans d´histoire du street-art dans la capitale. Trois générations d´artistes, des précurseurs aux "petits" nouveaux, usant de toutes les techniques, de tous les supports et sous toutes les formes - tags, graffitis, pochoirs, collages, gravures, ils sont ici représentés soit par une oeuvre sortie d´une galerie, soit à travers des photos de leur art en situation, en vidéo ou par des œuvres réalisées spécialement in situ : Villeglé, Zlotykamien, Ernest Pignon-Ernest, Surface Active, Captain Fluo, Edmond Marie Rouffet, Blek le Rat, Miss.Tic, Vive La Peinture, Speedy Graphito, Jean Faucheur, Mesnager, Mosko, Jef Aérosol, Bando, Ash, Jay0ne, SKKI, Keith, Haring, Mambo, Nasty, Slice, Psyckoze, Lokiss, Shoe, Futura, A-One, Rammellzee, Jon0ne, André, Zevs, Dize, Invader, Shepard Fairey, JR, Vhils, Swoon, Banksy, C215, L’Atlas, YZ, Seth, Tarek Benaoum, El Seed, Ludo, Rero, Dran, O’Clock, Tanc, Lek, Sowat, Cristobal Diaz, Philippe Baudelocque, Levalet, Madame, Kashink, Vision, Pest, Greky, Sébastien Preschoux, Romain Froquet, Kraken, 9eme Concept, Les Francs Colleurs.
Forte de son succès, l´exposition est prolongée jusqu´au 25 mars 2023.
En 1920, Mannie Torres (Diego Calva, grande découverte), d'origines mexicaines, homme à tout faire chez un directeur de studio, rêve d'assister à un tournage de cinéma. Lors d'une soirée chez son patron, il rencontre Nellie LaRoy (Margot Robbie, impressionnante), jeune femme délurée issue d'un milieu défavorisé, qui veut être actrice, Jack Conrad (Brad Pitt, royal), immense star du cinéma muet et Sidney Palmer (Jovan Adepo, parfait) afro américain, trompettiste talentueux.
Damien Chazelle se replonge dans ses sujets de prédilection : les machines à rêve et leurs cruautés. Dans cette grande fresque de plus de 3 heures, on retrouve sa virtuosité formelle mais sous acide. La caméra virevolte dans de longs plans mettant en scène de nombreux comédiens, multipliant les déplacements, dans d'immenses décors intérieurs ou naturels. Une énergie folle se dégage de l'ensemble avec quelques touches d'humour et des références artistiques dont celle, appuyée, à "Chantons sous la pluie" qui traitait du même sujet sur une tonalité très différente.
La musique est encore très présente, composée par son complice Justin Hurwitz, qui nous ressert au passage quelques notes déjà perçues dans LaLaLand, et portée par le personnage de Sidney. Sur le fond, on retrouve le rêve Hollywoodien, ses trahisons et une histoire d'amour contrariée. Mais ici, Chazelle trace le portrait d'Hollywood avant Hollywood. Les derniers pas du cinéma américain muet, avant l'arrivée du parlant. Les studios en plein air, les tournages fait de bric et de broc où les figurants pouvaient laisser leur peau, le snobisme des autres Arts, les fêtes dépravées, avec drogue et orgies dans les luxueuses propriétés des gens du métier, la rapidité avec laquelle se faisait une carrière, une star. Puis, l'arrivée du parlant et de l'industrialisation, la chute de celles et ceux qui ne sauront pas s'adapter, la réussite, ou pas, des autres.
Pour nous conter tout cela, Chazelle invente plusieurs histoires aux multiples rebondissements. Il enchaîne les séquences gargantuesques, qu'il entrecoupe de scènes d'intimité. Si on ne s'ennuie pas un seul instant, on se perd un peu dans tout ce que son récit semble vouloir porter.
En 4 épisodes - un inceste de palier 2000/2001, un réseau pédophile 2001, le meurtre de la petite fille belge 2002/2003, le procès 2004/2005 - représentant les étapes d'emballement de l'affaire, les réalisateurs content un des plus effarants ratages judiciaires.
Quatre des accusés à tort, Thierry Dausque, Daniel Legrand, Dominique Wiel et Alain Marécaux, témoignent du calvaire qu'ils ont vécu, dont la prison pendant plus de 3 ans pour certains, la perte de proches, des projets de vies qui s'écroulent... Deux enfants témoignent également, François-Xavier, fils d'Alain Marécaux, qui à la suite d'une audition mal interprétée a vu son père écroué et sa famille explosée, et Jonathan Delay, victime de viol par ses parents, qui apporte un témoignage ambiguë mais qui rappelle qu'avec ce ratage, les vraies victimes, ont presqu' été oubliées. Les témoignages des avocats sont aussi très forts.
Ce documentaire, dans une mise en scène où la fiction et le réel cohabitent, comme un miroir à ce que fut cette incroyable affaire judiciaire parasitée par une forme de fantasmagorie, mêle astucieusement reconstitutions et témoignages. Il decrypte les rouages de la manipulation qu'une accusée mit en place, au jour le jour, sans réelle stratégie et qui emporta dans sa mythomanie le jeune juge d'instruction qui ne voulut pas passer à côté d'une affaire historique, ses complices placés sous emprise, ses victimes, la justice incapable d'accepter l'énormité de l'erreur, les médias qui s'emballerent...