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Cela fait 15 ans qu'elle lui a dit qu'elle ne l'aimait plus (ou peut-être même, pas). Mais, il lui a demandé d'attendre que les enfants soient grands. Et maintenant, elle part.
Seule, arrivant du fond de la profonde et large scène du théâtre de la Porte Saint-Martin, Saadia Bentaieb, face au public, interprète la première scène de cette oeuvre composée de vingt saynètes indépendantes traitant chacune du couple et de l'amour.
Amitié, mariage, relation clandestine, déception amoureuse, amour tarifé, avortement, suicide, séparation, ami, enfant, femme, mari.... Pommerat met en scène différentes formes d'attachements dans des situations, pour la plupart, tragiques ou peu reluisantes pour leurs protagonistes. C'est alternativement touchant, effrayant ou drôle. Toujours d'une grande précision dans une concision peu commune.
Sur scène, le noir et le blanc dominent dans une scénographie aux magnifiques jeux de lumières. Devant une salle plongée dans le noir, sur l'espace scénique entouré d'un écrin noir, le plancher de la scène blanchi, survolé par un léger brouillard, tombe un éclairage très blanc, pointé avec précision.
La mise en scène joue avec une grande efficacité avec la profondeur de la scène, décalant les comédiens, certains en fond, d'autres au devant, donnant l'impression d'un éloignement entre les personnages, jouant aussi sur leur dimension. Le son est également d'une grande qualité. Les comédiens (Agnès Berton, Yannick Choirat, Philippe Frecon, Anne Rotger.... tous incroyables) sonorisés font entendre leur souffle, leurs murmures jusqu'à notre oreille. Ils adoptent sur certaines scène un phrasé particulier. Leurs pas, leurs déplacements sonnent.
Ainsi se succèdent les scènes.
Ils n'ont pas d'enfants mais engagent une baby sitter pour pouvoir imaginer le contraire. Ils sont voisins et attendent ensemble, l'un que sa femme rentre, elle que son mari rentre. Il passe dans la rue, une prostituée désespérée l'accoste, ainsi débute le marchandage, Elle lui a dit qu'elle voulait divorcer mais c'est pour le secouer car au fond elle l'aime et prévoit de le récupérer dans 1 an ou 2. Ils sont amis depuis des années mais avant d'être amis il faut avouer qu'ils n'étaient pas amis. Elle l'aime mais aimer ne suffit pas. Instituteur, il aime son élève Antoine d'un amour (autorisé ?) pour compenser celui que ses parents ne lui donnent pas. Il vient lui rendre visite tous les jours, mais elle ne se souvient jamais qu'il est son.mari. Elles se bécotent devant les auto tamponneuses. C'est le jour de son mariage mais sa soeur aime son futur mari. Chanteur de charme ou crooner Coréen, il chante l'amour dans un dialecte aux sonorités aussi étranges que drôles.
Cette pièce créé à l'Odéon en 2013 participe, avec les autres créations du maître, à positionner Joël Pommerat dans le peloton de tête des dramaturges français contemporains les plus percutants et enthousiasmants.