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La pièce débute avec la voix de Christophe Honoré qui raconte sa découverte et sa fascination immédiate, à 20 ans, dans les années 90, pour la chorégraphie Jours étranges de Dominique Bagouet. Un artiste qu´il ne connait pas mais dont il présage qu´il est mort du Sida comme "tous les artistes dont je tombais amoureux". La musique When the music´s over des Doors résonne alors et les comédiens en scène reproduisent la chorégraphie.
Dans un beau décor de hangar en forme de rotonde qui s'ouvre de chaque côté sur un couloir de métro, Christophe Honoré convoque six de ces idoles, l´écrivain Hervé Guibert, les auteurs Bernard-Marie Koltes et Jean-Luc Lagarce, les réalisateurs Cyril Collard et Jacques Demy, et le critique de cinéma Serge Daney, et imagine leur rencontre quelque part dans l´au de-là. Ils parlent du Sida, de la découverte de leur infection, de leurs rapports à la maladie, des autres malades, de la mort mais aussi d'amour, de sexe et de leur soif de vie dans des opinions divergentes, des échanges vifs, souvent drôles et irrévérencieux.
La pièce est bien sûr aussi politique et évoque le mauvais traitement des malades pestiférés, rend hommage aux mobilisations dès les années 80, d'Elisabeth Taylor et de Line Renaud et interroge avec un ton faussement rigolard sur le pouvoir du SIDA contre le racisme et l'antisémitisme. Ainsi, Jean-Luc Lagarce (Julien Honoré) s'inquiète : "les homosexuels qui ne sont pas morts du SIDA sont ils tous devenus comme Renaud Camus ?".
L´émotion s´invite aussi dans des monologues tels celui de Marina Fois qui dans le rôle d'Herve Guibert dit le texte où il décrivit l'agonie de Michel Foucault ou lorsque Serge Daney incarné par Jean-Charles Clicher) rappelle la fin horrible de Rock Hudson, la première célébrité américaine morte du Sida en 1985. Amusement mais émotion encore quand Cyril Collard, interprété par Harrison Arevalo, se met en scène recevant son César à la Cérémonie à laquelle il n'a pu assister pour cause de décès trois jours auparavant.
La pièce marque aussi par sa joyeuse loufoquerie, telle l'incarnation par Marlène Saldana, de Jacques Demy, nue sous un manteau de fourrure (référence à Dominique Sanda dans Une chambre en ville) qui revendique le droit à la discrétion quant à sa vie privée, mais se lance dans une version débridée de la chorégraphie de la Chanson d'un jour d'été des Demoiselles de Rochefort.
Bernard-Marie Koltes, révolté et résolu dans la mort, est interprété par Paul Kircher qui clame sa passion pour New-York et John Travolta dont il adopte la démarche et la séduction provocante dans une scène drôle et sexy.
La pièce de plus de 2 heures est d'une grande richesse aux multiples références. Sa capacité à mêler témoignages, revendications, émotions et rire fait sa force. Ses comédiens sont tous exceptionnels, ne laissant aucun doute sur leur incarnation même les plus inattendues.