Pour sa 6e édition, Monumenta ouvre la nef du Grand Palais à Ilya et Emilia Kapakov. Artistes Russes exilés à New-York, les Kapakov proposent aux visiteurs d'entrer dans "l'étrange cité" et de fuir un instant l'agitation du monde pour se laisser aller à une certaine méditation. Cette ville est faite de murs blancs immaculés sur lesquels tombe l' exceptionnelle lumière qu'offre la nef par beau temps. L'ensemble plonge d'emblée le visiteur dans une humeur paisible propice à l'accueil des curieuses propositions des deux artistes.
La visite débute par le musée vide qui, comme son nom l'indique, ne comporte aucune oeuvre artistique à l'exception de la "Passacaille" de Bach. Une réflexion sur le statut de l'Art dont la liberté est souvent menacée, comme Ilya et Emilia Kabakov ont pu le connaître en ex-URSS.
La découverte se poursuit par l'espace Manas qui expose la maquette et des dessins représentant une ville qui aurait existé ou été inventée au Tibet. Une ville entre terre et ciel composée de 8 montagnes récoltant l'énergie cosmique. Suit le centre de l'énergie cosmique qui explique comment récolter cette énergie en orientant les bâtiments à 60°, principe que l'on retrouve dans de nombreux édifices anciens tels que la pyramide de Gizeh ou la tour de Babel. Les deux salles suivantes se nomment "Comment renconter un ange" et "les portails" et tout est dans les titres. La visite se termine par les deux chapelles - l'une blanche, l'autre sombre - dont les murs présentent, d'un côté, des extraits d'oeuvres picturales évoquant la vie passée en ex-URSS et de l'autre de grandes peintures autobiographiques dont le centre est le trou noir de la partie soviétique. Les Kabakov proposent des voyages intéressants même si on peut avoir des réserves sur la représentation de ceux-ci. Les maquettes intrigues mais les dessins et les peintures présentés dans les différents espaces ne touchent pas vraiment.
Pourtant l'ensemble du projet fonctionne. Les repéres sont vite perdus dans cette cité blanche sorte de labyrinthe aveuglant. Le pari de nous oter d'un quotidien agité est gagné. Quant au défi, lancé par le concept Monumenta de prendre possession de cet espace de 13.500m², la proposition des Kabakov le relève de belle façon. Ainsi, rarement l'oeuvre se sera aussi bien accouplée à la Nef. La verrière habille merveilleusement l'oeuvre en projetant les ombres de la structure sur les murs blancs de cette "étrange cité" qui occupe un bel espace au sol. Sans doute la proposition la plus intéressante sur ce plan après le Leviathan d'Anish Kapour.
PS : Et aussi présentée dans le cadre de l'exposition, la coupole de verre dont les couleurs changent au rythme de la musique, créée par les Kabakov pour une représentation du "Saint François d'Assise" de Messian en 2003.