SansCrierArt : Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.

20 mars 2025 4 20 /03 /mars /2025 17:44

 

La nouvelle création d'Amos Gitai débute par la diffusion d'un long extrait de son film Tsili projeté sur un écran immense. L'histoire d'une enfant juive qui survit seule. Puis, l'écran se soulève et des vêtements tombent violemment des cintres et s'écrasent sur la scène, symbole souvent utilisé pour évoquer les millions de juifs morts dans les camps d'extermination.

Ainsi, c'est bien de la persécution des juifs qu'il sera question ici. Tout d'abord en s'inspirant d'un conte pour enfants d'Isaav Bashevid Singer et du Golem, monstre d'argile de la mythologie juive : Au XVIe siècle, à Prague, où les protestants règnent, un juif est accusé à tort d'avoir assassiné une petite fille. Le rabbin Leib, qui défend la communauté juive constamment persécutée, créé un Golem pour qu'il retrouve cette petite fille. Dans le conte le rabbin perd le contrôle du Golem mais Amos Gitai stoppe le conte avant.

En revanche, il le complète et l'illustre avec des textes sur la langue yiddish (les discours que Bashevid Singer prononça lorsqu'il reçu le Prix Nobel de littérature) comme un hommage à une langue d'une grande richesse pour décrire les affres de la vie mais qui n'a que peu de mot pour dire les armes et la guerre.  D'autres textes décrivent avec force détails des pogroms (Juifs en errance de Joseph Roth, Le baiser et La Croix de Lamef Shapiro...).

Les scènes réservées au conte jouent sur le décalage, Micha Lescot interprétant avec drôlerie le juge antisémite du tribunal. Les sequences d´hommage au yiddish, dont des chants,  sont poétiques. A l'inverse, la partie sur les pogroms est d'une grande violence tant dans la forme que dans le contenu cru des textes décrivant les massacres. A ce moment là, les comédiens se transforment en Golem, représentant sans doute tous les appels à l'aide du peuple juif massacré. Cette partie du spectacle est assez pénible. Les textes peut-être parce qu'ils sont dits en plusieurs langues successives ne portent pas d'émotion, ne brandissant que l´extrême violence qu'ils portent.

Le spectacle est constamment accompagné de moment musicaux, qui interviennent comme des respirations. Les trois chanteuses et le chanteur sont remarquables, tout comme les comédiens dont Micha Lescot et Irène Jacob. Sur la scène au sol, un arbre, un piano, un violoniste et un joueur de santour et de synthès. Suspendus au dessus de la scène des devantures de maisons et en fond un écran, des éléments sur lesquels seront projetées pendant les deux heures des lumières et des vidéos live de la pièce.

Le tout est interprété en 8 langues différentes, sous titrées en français et en anglais.

Bref, le spectacle est d'une grande richesse et veut embrasser un sujet d'une immense et d'une grande complexité.

Dans une scène finale les comédiens se présentent, ou se situent, dans une volonté de donner à la pièce une projection universelle. Si on ne doute pas un seul instant de sa sincérité, cette scène se présente comme une conclusion un peu artificielle face à tout ce qui a été déployé auparavant sur l'antisémitisme séculaire. 

A voir au théâtre de la Colline jusqu'au 3 avril 2025.

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