SansCrierArt: Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.
Denis Lavant, avant tout, c'est ce jeune type, qui danse, saute et court à toute allure le long d'un mur au son de Modern Love de David Bowie. Scène culte de Mauvais Sang de Leos Carax, son réalisateur fétiche qui l'aura fait tourner également dans Boy meets girl, puis dans le très grand Les Amants du Pont Neuf et dans le génialissime Holy Motors.
Si on a l'impression de l'avoir vu dans de nombreux films (ce qui n'est pas vraiment le cas), c'est que son visage étrange d´enfant vieilli prématurément et son regard de Pierrot La Lune, extrêmement touchants, associés à la puissance de son jeu et de sa présence, nous ont marqué chaque fois durablement. Et s'il fait du cinéma, il vous dira que son grand terrain de jeu est avant tout le théâtre.
Denis Lavant, amoureux de la poésie, circassien autodidacte, a appris le mime et le théâtre au lycée, à l´école de la rue Blanche puis au Conservatoire de Paris. Cet acteur physique, dont la première nature est le mouvement, s'inscrit dans un théâtre exigeant : Shakespeare, Beckett, Brecht, Tomas Bernard, Koltes, Rasov, Dostoïevski...
Actuellement, au théâtre de l'Atelier, il est bluffant dans le rôle de Clov dans Fin de Partie de Beckett. Les représentations sont prolongées jusqu´au 16 avril. A ne pas manquer.
Un sourire carnassier, un regard transperçant et lourd, une voix unique au phrasé trainant, Jean-Louis Trintignant tutoyait le sombre, l'inquiétant. Mais il pouvait aussi éclairer son visage d'un sourire soudainement incroyablement lumineux, révélant l'ampleur de sa séduction. Il aimait dans la vie la discrétion, dans le jeu la pondération.
Des étranges personnages, des sales types, il en a joué beaucoup (Z de Costa Gavras, Le combat dans l'île d'Alain Cavalier, Regarde les hommes tomber d'Audiard, Le mouton enragé de Michel Deville, La banquière de Francis Girod, ..). Mais il fut aussi un grand amoureux, celui audacieux d' Un homme et une femme de Claude Lelouch, celui coincé de Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer, jeune premier dans Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, vieillard éperdu dans Amour de Mickaël Haeneke.... Il fut aussi de grands naïfs et héros ordinaires dans le drame Le Train de Pierre Granier-Deferre ou la comédie Vivement dimanche de François Truffaut. De simples exemples pris dans une filmographie de plus de 120 oeuvres.
A partir des années 80, il joua beaucoup au théâtre des pièces contemporaines mais c'est la poésie qu'il aimait porter notamment avec Appolinaire et Aragon, seul en scène ou aux côtés de sa fille Marie, comédienne envoûtante dont la mort sous les coups d'un homme, en 2003, créera une vive émotion dans le pays et un chagrin incommensurable pour Jean-Louis Trintignant qui ne tournera plus que 3 films avec Haeneke et Lelouch.
Jean-Louis Trintignant s'est éteint ce 17 juin à l'âge de 91 ans.
Il est tout d'abord un héros de l'enfance, portant le sourire et la blondeur de Maxence, marin, peintre et poète des Demoiselles de Rochefort et la langueur Pop du Prince rouge de Peau d'Ane du génial autre Jacques, Demy.
Il est ensuite le comédien, souvent de seconds rôles, mais toujours incontournable, de films exigeants, tournés en France ou en Italie (La 317e section, le Crabe Tambour, L'Honneur d'un capitaine de Pierre Schoendoerffer, Compartiment tueur, Z de Costa-Gavras, La légion saute sur Kolwezi de Raoul Coutard, Le désert des Tartares de Valerio Zurlini... ) dont il fut pour certains et, par conviction, le producteur.
Producteur, encore, et réalisateur de magnifiques documentaires célèbrant la nature ( Le peuple migrateur, Océans, les Saisons...)
Il est enfin, dans Cinéma Paradisio de Giuseppe Tornatore, Toto, qui devenu grand réalisateur, découvre, bouleversé et bouleversant, l'ultime cadeau d'Alfredo.
L' interpréte d'une des plus belles scènes d'hommage à la puissance émotionnelle du 7e art.
Les superlatifs manquent à l'annonce de sa disparition.
A notre esprit se bousculent les films vus à la télévision ou au cinéma où, avec gourmandise, nous l'avons regardé, écouté, en flic intransigeant, patron abusif, monstre froid, mauvais père, président de la République, vieux monsieur vengeur, notable bon teint, avocat véreux, mari cocu, magnat de la presse paralysé, immense peintre, ... ou encore au théâtre, dans A tort ou à raison, récemment, et dans Le Roi se meurt qu'il a joué près de 800 fois, notamment avec son épouse, la géniale Juliette Carré.
70 ans de carrière qui l'ont aussi amené à enseigner l'art dramatique à de nombreux comédiens devenus grands, de Denis Podalydes, Anne Brochet, Jérôme Kircher à Muriel Robin.
Son allure à la fois inquiétante et familière, sa voix grave et métallique, son phrasé posé, dans une élégance distante, resteront inoubliables.
A la télévision et dans les magazines, en figure de mode, dans des publicités à l'image léchée et aux slogans pas toujours compréhensibles, il était une des égéries de la marque Chanel. Beau et mystérieux. Une aubaine disait-il de cette entrée d'argent qui lui permettait de choisir les rôles qui l'intéressaient vraiment.
Au cinéma, dans le Saint-Laurent de Bertrand Bonello. Il incarne parfaitement toute la complexité du grand couturier, génie admirable et révolutionnaire, diva capricieuse, homme à la fois fragile et bourreau de son entourage. Les César préféreront récompenser Pierre Niney qui, la même année, incarnait, très bien, un Saint-Laurent aseptisé. Des deux comédiens c'est pourtant Ulliel qui avait pris le plus de risques et relevé le défi artistique le plus osé.
Au cinéma encore, dans Juste la fin du mondede Xavier Dolan, adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, il interprète le dramaturge. Le rôle d'un homme en sursis qui se sait condamné et qui vient se confronter une dernière fois à la violence de sa famille déjantée. Ses silences, ses expressions, la délicatesse de son jeu impressionnent et touchent durablement. Il recevra pour ce rôle le César du meilleur comédien, son 2e après celui du meilleur espoir reçu en 2005 pour un Long Dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet.
Au théâtre dans Démons de Lars Noren mis en scène par Luc Bondy, il incarne Tomas dont le couple est pollué par un duo de voisins toxiques. Face à Romain Duris et Marina Foïs et aux côté d'Anaïs Demoustier, il révèle une belle présence et une justesse de jeu que le trac de la scène n’altère pas.
Gaspard Ulliel est mort, ce mercredi 19 janvier, à l'âge de 37 ans emportant avec lui toutes les promesses que son talent portées.