SansCrierArt : Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.

22 novembre 2023 3 22 /11 /novembre /2023 21:56

Juin 1858, à Bologne, l'Eglise enlève Edgardo Mortara à sa famille. Né juif, Edgardo a été baptisé bébé par sa nourrice. Le Pape Pie IX considère qu'il doit recevoir une éducation chrétienne.

Cette histoire édifiante est vraie. L'enlèvement fut condamné par les grandes puissances de l'époque qui réclamèrent que l'enfant soit rendu à sa famille, sans que le Pape ne renonce à ce qui ressemble plus à un caprice, qu'à un devoir divin.  Edgardo ne sera rendu à sa famille qu'à condition que les Mortara se convertissent.

Metteur en images de l'Histoire de l'Italie et de ses figures les plus sombres, Marco Bellocchio tire ici à boulets rouges sur l'Eglise. Le poids des religions sur les hommes mais aussi la toute puissance des adultes sur les enfants, sont au coeur du film. Bellocchio partage ainsi son attention sur le petit garçon, les traumatismes successifs  et le lavage de cerveau religieux et affectif qu'on lui fait subir, et sur la mégalomanie de Pie IX et la chute du pouvoir ecclésiastique en Italie.

Formellement très beau, L'enlèvement déploie un scénario d'une grande maîtrise, enchaînant les évènements et distillant les informations nécessaires à la compréhension des enjeux religieux et  politiques de l'époque, sans créer le moindre ennuie.

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2023 7 19 /11 /novembre /2023 13:21

Le 1er mars 2016, Carole Achach, photographe de plateau et romancière, se suicide à l'âge de 63 ans, laissant à sa fille, Mona, des caisses de photos, de carnets intimes et d'enregistrements.

Mona Achach nous plonge dans la vie de sa mère Carole, de sa grand-mère Monique Lange et des hommes qu'elles ont côtoyés, amis, amants, maris, se nommant, curieusement tous (ou presque) Jean comme Jean Genêt, protagoniste clé. Des hommes, tous au mieux lâches, au pires pervers, dont Monique, Carole et Mona ont subi les violences, comme une malédiction familiale inévitable.

Pour dessiner le portrait de sa mère, expliquer son suicide et mettre fin à cette malédiction, Mona Achach met en place un processus de création complexe sur le papier mais d'une grande maîtrise formelle, mêlant archives photographiques et sonores. et reproductions vidéos.

Dans un vaste espace servant de studio sont affichées une multitudes de photos, sont reproduit le bureau de Carole et une brasserie où elle interview les connaissances de Monique et est placé à vue un écran de projection pour le tournage des scènes extérieures.

Au coeur de ce dispositif, Marion Cotillard, filmée à la fois en Marion jouant Carole et disparaissant totalement pour n'être que Carole. Mona Achach mixe ainsi processus de travail et fiction, passant subtilement de l'un à l'autre sans jamais perdre le spectateur. Jouant en playback sur les enregistrements vocaux de Carole ou s'appropriant ses écrits en transformant sa voix, Marion Cotillard semble habitée par cette femme complexe entre dureté et souffrance. Les superlatifs semblent vains pour décrire la puissance de cette incarnation. Face à Mona, Carole réapparaît comme pour un réconciliation post-mortem.

Little girl blue est ainsi un film remarquable, par l'intelligence de sa conception, par l'intensité de son récit et par la puissance de son incarnation.

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 22:06

Marguerite termine sa thèse en mathématiques à l'ENS. Alors qu'elle présente ses travaux, une erreur remet en cause tout son travail. Elle quitte l'ENS et se lance dans la vie.

Le film vaut par l'originalité de son héroïne, de son environnement et de sa quête jusqu'à la folie. Ella Rumpf est parfaite dans ce rôle de scientifique obsédée par ses recherches, associable par nature, qui tente de s'ouvrir aux autres.

Malgré cela, le récit offre peu de surprises et ennuie parfois.

Partager cet article
Repost0
8 novembre 2023 3 08 /11 /novembre /2023 17:51

1939, Henri Groues quitte à contre coeur, pour question de santé fragile, l´ordre des Capucins. Bientôt arrivent la guerre puis la résistance, et le pseudonyme d'abbé Pierre, puis la députation, puis la création d´Emmaus avec Lucie Coutaz.

A l´issue de la projection, ce qui marque :

1- La réalisation. Elle semble être totalement décorrélée de son sujet et des moments qu'elle est censée conter. Incohérente, en roue libre, elle enchaîne les "styles", tentant à l'occasion l'immersion, la caméra plonge, ne cadre plus rien, ou une oreille pour être au plus près. Mais au plus près de quoi ? Sans grâce, ni finesse, elle est de plus surlignée par une musique omniprésente. Le montage à l'avenant sabote régulièrement le travail des comédiens. S'ajoute l'intégration d'images d'archives choisies on ne sait comment tant elles n'apportent rien. La liste est longue...

2- Le scénario. Le récit est écrit à la truelle. Tellier  conte les évènements soit au pas de course, expédiés, soit choisi de s'appesantir, sans jamais vraiment parvenir à communiquer l'émotion, à approcher de la complexité de l'homme. Quant au personnage de Lucie Coutaz, il est survolé. La partition confiée à Emmanuelle Bercot est bien trop faible pour que et la comédienne et l'amie fidèle de l'abbé soient présentées à leur juste valeur.

3- Benjamin Lavernhe. Il est définitivement un très grand comédien. Au théâtre comme sur grand écran, il impressionne. Ici, la puissance, la délicatesse, toutes deux déployées dans le soucis d'une grande justesse, saisissent. Même le maquillage parfois un peu trop chargé, même la réalisation ratée et le récit à l'emporte pièce ne peuvent rien contre ce talent.

Conter une vie aussi riche, dresser le portrait d'une personnalité aussi complexe n'est pas chose aisée. Il faut avoir un minimum de talent et dans ce domaine Benjamin Lavernhe est ici bien seul.

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 12:44

La journaliste Mademoiselle Pove et son cameraman Gus suivent la campagne de Pierre-Henri Mercier le candidat à l'élection présidentielle du parti ultra-libéral. Ils découvrent que celui-ci veut une fois élu appliquer un tout autre programme que celui que ses puissants soutien financier attendent de lui.

Autant le dire tout de suite, on a connu Albert Dupontel bien plus et bien mieux inspiré. Ici, l'idée de départ de la duplicité du candidat était séduisante et offrait de nombreuses pistes de traitement, plus ou moins militant, sur la politique et les médias. Mais ce n'est finalement pas le sujet qui semble intéresser Dupontel. Il nous plonge dans des histoires de famille alambiquées alourdissant son récit qui perd cohérence et lisibilité et s'échoue dans un sentimentalisme gnangnan. Le scénario déçoit donc.

Esthétiquement, Albert Dupontel semble s'être emparé de toutes les technologies qui s'offrent à un réalisateur, multipliant les effets spéciaux rarement heureux, virevoltant à la Lelouch autour de ses comédiens. Des choix que l'on jugera au mieux curieux mais plus souvent moches.

Au milieu de tout cela, trois comédiens, Albert Dupontel, très bien, mais surtout Cécile de France et François Marié qui bénéficient des meilleurs rôles et réparties. Leur duo est hilarant. Le film est sauvé du ratage total par leur partition et leur excellente interprétation.

Partager cet article
Repost0